Le Tribunal limite les pouvoirs d’appréciation de la Commission en matière d’initiative citoyenne

 

Jean Paul Jacqué

 

 

 

Introduite par le traité de Lisbonne, l’initiative citoyenne n’a pas connu un grand succès.  A ce jour, 19 initiatives ont été refusées, 14 retirées, 18 n’ont pas rencontré un soutien suffisant, 6 sont en cours, 3 ont été couronnées de succès et une seule a conduit à des propositions de la Commission[1]. Une des raisons de cet échec relatif provient du fait que les initiatives ne rentrent pas dans les attributions de la Commission comme l’impose l’article 11 TUE ce qui a conduit à des décisions d’irrecevabilité de la Commission. Celles-ci avait été jusqu’à présent contestées en vain devant le Tribunal[2]. Pour la première fois, le tribunal vient d’annuler une décision de la Commission refusant l’enregistrement d’une initiative[3].

 

L’initiative concernait une série de onze mesures destinées à améliorer la situation des minorités. Le refus d’enregistrement de la Commission faisait état du fait que certaines mesures envisagées n’entraient pas dans les compétences de l’Union sans pour autant analyser les mesures. La Commission soulignait que le règlement sur l’initiative citoyenne européenne ne prévoyant pas l’enregistrement partiel d’une initiative, elle ne pouvait qu’opposer une décision de refus. Le requérant contestait essentiellement l’absence de motivation de la Commission qui en n’identifiant celles des mesures qui étaient recevables, ne lui permettait pas de présenter une nouvelle initiative.

 

La motivation de l’arrêt est fort simple. Le tribunal évite de se prononcer sur la possibilité d’un enregistrement partiel, mais se limite à condamner le défaut de motivation de la Commission qui n’a pas pris en considération tous les éléments fournis par les organisateurs : « Il ressort de la décision attaquée que la Commission est restée en défaut d’identifier d’une manière quelconque lesquelles des onze propositions d’actes juridiques ne relevaient manifestement pas, selon elle, du cadre des attributions en vertu desquelles elle est habilitée à présenter une proposition d’acte juridique de l’Union ainsi que de fournir une quelconque motivation à l’appui de cette appréciation, malgré les indications précises fournies par les organisateurs sur le type d’acte proposé ainsi que les bases juridiques respectives et la teneur de ces actes ».

Il est regrettable que le Tribunal ne soit pas prononcé sur la possibilité d’un enregistrement partiel, mais l’arrêt, en imposant à la Commission de motiver de manière plus approfondie ses décisions de refus, permet aux initiateurs de corriger leur proposition en vue d’obtenir l’enregistrement. On peut d’ailleurs regretter qu’en pratique la Commission n’ait pas institué de sa propre initiative un dialogue avec les initiateurs avant de décider sur l’enregistrement de telle sorte qu’ils puissent remanier leur projet afin de le faire entrer dans le cadre des « attributions de la Commission ». Ce serait prendre l’initiative au sérieux.

Si jusqu’à présent les grandes ONG sont restées à l’écart du système préférant le lobbying à la démocratie participative, la situation pourrait évoluer. En effet, près des quarante ONG européennes viennent de faire enregistrer une initiative sur l’interdiction du glyphosate, plus connu sous le nom de Round up. Faute d’une majorité en faveur ou contre l’interdiction dans le cadre de la procédure ce comitologie, la Commission avait décidé de proroger l’autorisation du produit pour une période de dix-huit mois dans l’attente d’une expertise de l’Agence européenne des produits chimiques. UN succès de l’initiative montrerait qu’elle peut permettre d’influer concrètement sur des questions qui touchent directement à la vie quotidienne des citoyens

 

 



[1] Le programme législatif pour 2017 de la Commission indique que la Commission présentera une proposition législative introduisant des exigences minimales de qualité concernant l’eau réutilisée, ainsi qu’une révision de la directive relative à l’eau potable, dans le cadre du suivi de l’initiative citoyenne « L’eau, un droit humain» (Right2Water).

[2] Arrêt du Tribunal du 19 avril 2016, Costantini/Commission, T‑44/14, ECLI:EU:T:2016:223 ;

Arrêt du Tribunal du 10 mai 2016, T‑529/13, Balázs-Árpád Izsák et Attila Dabis/Commission, ECLI:EU:T:2016:282

[3] Arrêt du 3 février 2017, Bürgerausschuss für die Bürgerinitiative Minority SafePack – one million signatures for diversity in Europe, T‑646/13, ECLI:EU:T:2017:59